Souris d'agneau aux légumes d'été
Dans le petit restaurant routier de mes parents… mon père ne faisait pas la cuisine… ce rôle revenait à ma mère qui, un comble pour une restauratrice, n’aimait pas faire la cuisine, même si elle avait parfois des traits de génie !...
Mon père lui s’occupait du jardin potager, de la cave, de la vaisselle et des relations publiques (ses copains) !...
S’il n’était pas le cuisinier en titre… il avait quand même deux ou trois spécialités qu’il n’aurait confiées à personne !
Sa première spécialité était le persil haché… on peut sourire… mais toute la finesse de la chose était dans la technique !... Le persil était haché dans un verre !... Là vous ne riez plus… je vous sens même un peu curieux… dans un verre ?!?!?!
Assis au bout de la table familiale le « hacheur » donnait quelques ordres : à moi d’aller cueillir du persil dans le jardin… à mon frère de lui apporter un verre, plus ou moins grand selon la quantité de haché désiré… et à ma sœur de lui donner les ciseaux ! Puis il équeutait soigneusement chaque brin de persil… les passait sous l’eau… les séchait et les mettait dans le verre… en tassant… Le verre maintenu fermement dans la main gauche… les ciseaux tenus dans la main droite plongeaient dans le verre… et là s’ensuivait une série de coupe-coupe… jusqu'à l’obtention de la finesse de hachage désirée !... L’opération terminée… l’un d’entre nous était chargé de mettre les queux de persil à la poubelle… l’autre de nettoyer la table et lui s’en allait à la cuisine… son verre à la main : « Tiens Monette je t’ai haché du persil ! » avec la satisfaction du devoir accompli…
Dans un autre registre la préparation du beurre blanc, mythique sauce des Bords de Loire telle que la faisait sa mère et sa sœur, donnait lieu également à un beau remue ménage… il ne fallait pas le troubler par des allers et venues intempestives… il ne fallait pas qu’il fasse trop chaud… il ne fallait pas un feu trop vif… il fallait des échalotes grises (de son jardin de préférence) il fallait une casserole à fond épais… il fallait deux fourchettes pour touiller … il fallait du beurre froid… et surtout…surtout… il ne fallait pas lui demander : « alors ça va ?...» En un mot il ne fallait pas lui casser… les pieds… pour ne pas dire plus !... Si ma mère avait bien coordonné la cuisson du poisson… si elle avait pensé à faire chauffer les assiettes… alors… alors là seulement mon père avait le sourire et dégustait SON beurre blanc avec satisfaction et le sentiment de nous transmettre un héritage gastronomique et familial des plus précieux !...
Il arrivait parfois… pas très souvent heureusement… que le beurre blanc tourne… et qu’au lieu d’une belle sauce bien liée, on ne retrouve qu’un liquide gras dans lequel baignaient tristement les échalotes hachées !... Et bien ce jour là il fallait manger en silence… sans faire de remarque… mon père mangeait en fixant son assiette… levant la tête… il regardait ma mère… tentant de trouver quel élément l’avait trahi : « Le beurre ne devait être assez froid ? » Ma mère le rassurait en lui disant que c’était bon quand même !... Il retrouvait le sourire en nous voyant récurer nos assiettes avec de gros morceaux de pain… nous, tourné ou pas, on l’adorait son beurre blanc !...
Et puis il y avait le fin du fin… le clou du spectacle… l’épopée culinaire… l’Everest de l’émulsion… une extraordinaire aventure humaine… j’ai nommé : la MAYONNAISE !...
Comme toujours lorsque mon père cuisinait, le cérémonial était très important…
Une heure avant il fallait sortir les ingrédients du frigo… car le secret de la réussite de SA mayonnaise résidait dans la température !... il importait que les œufs, la moutarde et l’huile fussent à la même température… même le bol qui allait servir pour la préparation subissait lui aussi cette règle d’égalité celsiusienne !... Ce cérémonial pouvait être modifié en cas de canicule : les ingrédients étaient alors sortis du frigo seulement ¼ d’heure avant…
Assis au bout de la table de la salle à manger (oui il faisait trop chaud dans la cuisine) l’officiant (mon père !) commençait par séparer les blancs des jaunes… attention !... toutes traces de blanc… même minimes étaient bannies des jaunes… soupçonnées qu’elles étaient de nuire au résultat final !
Les jaunes, vierges de blanc, étaient les premiers dans le bol… Ah oui j’allais oublier… le bol était choisi avec soin… il avait un pied qui facilitait le maintien… il était large mais pas trop… il était profond mais pas trop… enfin c’était le bol idéal… d’ailleurs c’était toujours le même… celui-là et pas un autre !...
Un des enfants se mettait sur la droite de mon père… avec ses deux mains à plat sur la table il devait maintenir le bol… pour éviter les accidents lorsque la préparation nécessitait un tour de main énergique… ma sœur était exclue de cette tâche… elle avait les mains trop chaudes et risquait de compromettre le fameux équilibre celsiusien !......
Un autre… moi le plus souvent… devait se positionner sur la gauche la bouteille d’huile à la main… prêt à verser… au signal seulement… le filet d’huile mince et régulier qui menait au succès !...
La cuillérée de moutarde, forte bien sûr, Amôra de préférence… une pincée de sel, quelques tours de moulin à poivre… rejoignaient les jaunes !...
La fourchette… dans laquelle on avait pris soin de piquer un quartier de pomme de terre pelée… (Cette technique permettait… selon mon père… d’apporter du liant à la mayonnaise grâce à la fécule libérée par la pomme de terre au contact du corps gras !... ça vaut ce que ça vaut… il n’y a que la foi qui sauve !...) La fourchette disais-je donc… munie de son morceau de tubercule plongeait dans le bol pour mélanger les premiers ingrédients !
Lorsque mon père pensait que le mélange était prêt il me lançait un : « Vas-y »… j’entrais en action… il était rare que mon filet d’huile soit idéal… alors mon père me guidait… parfois vivement… « Plus vite… moins vite » Et là… dans les bons jours… on voyait la mayonnaise monter… bien jaune… bien ferme… appétissante… pour accompagner les langoustines ou le merlu froid !
Mais il y avait aussi les mauvais jours… la mayonnaise ne montait pas… alors mon père essayait avec un deuxième jaune d’œuf… puis un troisième… voir un quatrième… rendu là on invoquait la loi des séries… les œufs trop ou pas assez frais ou froids… le verseur du filet d’huile qui avait versé trop ou pas assez vite ou pire !... peut-être qu’une femme en âge de procréer dans ses mauvais jours avait traversé la pièce… ce qui comme chacun sait peut être fatal à n’importe quelle mayonnaise !...
Alors sans rien dire ma mère préparait une vinaigrette pour le merlu ou le beurre pour les langoustines !
Nous nous régalions quand même… mais avec le sentiment d’avoir participé à une aventure inachevée… avec le regret de voir notre père déçu d’avoir échoué dans son entreprise !...
Souris d'agneau aux légumes d'été
Ingrédients pour 2 pers :
- 2 souris d'agneau
- 4 poivrons verts longs
- 4 petites tomates rondes
- 6 gousses d'ail
- 1/2 cube de bouillon de volaille
- Après les avoir lavées et essuyées, couper les tomates en rondelles un peu épaisses dans le sens perpendiculaire.
- Puis disposer les dans un plat allant au four, arroser d'un bon filet d'huile d'olive, assaisonner, repartir les gousses d'ail.
- Après les avoir parés et assaissonnés, faire dorer les souris dans une poêle avec un peu d'huile d'olive.
- Disposer les souris sur les tomates.
- Oter la queue et les pépins des poivrons, puis les couper en lanières
- Dans une poêle avec une cuillérée d'huile d'olive faire cuire les lanières de poivrons jusqu'à ce qu'elles soient bien fondantes.
- Répartir les poivrons autour des souris, émietter un demi cube de bouillon de volaille sur les légumes et mouiller avec 5 cl d'eau.
- Mettre au four chaud 180° pendant 15 minutes puis baisser la température à 120° et laisser mijoter pendant 1 heure environ en retournant et arrosant régulièrement les souris.
- En fin de cuisson s'il y a trop de sauce, retirer les souris en les gardant au chaud et faire réduire à feu vif jusqu'à l'obtention de légumes bien compotés.
- Servir accompagné d'un vin rouge bien corsé : Côtes du Rhône, Corbières ou un vin de la Rioja espagnole.
Bon appétit bien sûr !...